béni sois-tu carillonneur
rebaptisé LA GAGNE DES GUEUX
LE DOCUMENTAIRE DE LA PREPARATION DU CARNAVAL DE BLOIS PAR LES GENS DE LA RUE, la Comparse de la Gagne des Gueux
Pour celles et ceux qui nous suivent, vous l’aurez compris, la Société Secrète de l’Amour de l’Amour se crée dans la continuité de la réalisation du documentaire La Gagne des Gueux que nous avons projeté avec la fine équipe entre Blois, Tours et Nantes sur une bonne dizaine de dates depuis le mois de février 2024!
Ce film d’1h30 est toujours disponible à la projection et est, nous en sommes convaincues désormais, d’utilité publique. N’hésitez pas à faire appel à nous dès le mois de mai prochain pour des soirées projection, partager l’émotion et l’intelligence du film puis la joie d’un concert de Beufa, l’un des personnages principaux du documentaire. C’est d’ailleurs l’occasion de vous annoncer que, grâce à nos dizaines de souscripteurices et au talent des Studio Pole Nord du Chatodo, Beufa a pu réaliser son rêve de gosse et sortir un 13 titres qui sera disponible à la vente dès le mois de janvier sur Tours et sur Blois (se renseigner auprès de l’ALEP à Blois, de la Compagnie RagBag à Tours ou de Beufa directement si vous le connaissez!).
A noter dans vos agendas pour découvrir le film,
une partie de son équipe, et la musique de Beufa :
le 25 avril 2025 au Parce que, merveilleux bar associatif de Ciran, non loin de Loches
le 30 mai 2025, à la Loge des Maisonnées dans le cadre de
l’Association Culturelle des Maisonnées
ainsi qu’à l’automne 2025 au Bateau Ivre de Tours et nous l’espérons, aux Studio dans le cadre des soirées CNP… nous vous tiendrons informé.e.s! Et peut-être chez vous, dans votre asso, votre cinéma, votre théâtre…
SYNOPSIS
En juin 2022, Amélia Bréchet, une comédienne qui travaille auprès de l'ALEP à Blois, une association d'éducation populaire, commence à rencontrer les usager.e.s du Carillon dans l'idée de fédérer les personnes à la rue, les travailleurs sociaux et les bénévoles autour d'une création théâtrale. Les addictions, les conditions matérielles d'existence, la santé des gens et l'absence de moyens financiers pour le projet ont rendu inenvisageable de mobiliser une équipe de manière régulière et étendue dans le temps. C'est alors que l'idée du documentaire a émergé. La situation proposée pour lancer le film devint la participation au carnaval de Blois. En février 2023, la Gagne des Gueux était créée et signait le début de deux mois intenses de fabrication de masques, de costumes, d'accessoires, de création de danses, de chants et d'une dramaturgie dans l'espace public. Entre temps, les rencontres entre Amélia, la comédienne qui tient la caméra, et les usagers du Carillon s'approfondissent. Elle filme de longs entretiens, des maraudes, des temps de repas propices aux confidences...
Le jour du carnaval est arrivé et la grêle a transformé la fête en épreuve mais les Gueux ont tenu jusqu'à l'arrivée au château, ensemble.
Six mois plus tard, l'annonce d'un financement de l'Etat permet de reprendre le tournage et d'entamer le montage. En septembre 2023, on décomptait déjà une dizaine de personnes à la rue décédées depuis le mois de janvier. Sans compter les amputations et les hospitalisations d'urgence. Il s'agissait de faire apparaître cette hécatombe invisible et silenciée dans le film, de rendre hommage à ceux qui n'ont pas pu se déplacer à la Fabrique pour créer la Gagne des Gueux, par désintérêt, addiction, désintégration massive du lien au monde, maladie ou décès.
La Gagne des Gueux c'est l'histoire foutraque de cette aventure collective autour d'une tentative de représentation dans l'espace public, c'est les confidences qui sont rendues possibles par le temps long et la qualité des rencontres, c'est le charivari joyeux des pauvres et la mélancolie révoltée de la misère.
NOTE D'INTENTION
La Gagne des Gueux est un documentaire aussi crado, précaire et amoureux que son objet. Tourné au téléphone et à l'appareil photo, j'ai fait de la caméra l'interlocuteur hors-champ de ce qui se passe à l'image. Etant à la fois la metteuse-en-scène de la "comparsa" des gens de la rue, la réalisatrice et la monteuse du documentaire, la frontière du dedans et du dehors, de l'observateur et de l'observé, est constamment abolie. La caméra ne disparaît pas. Elle est, comme je le suis, l'un des personnages principaux du documentaire et cette mise en évidence du dispositif filmé permet d'éviter ce qui m'effrayait avant le tournage : une forme d'indécence à scruter un corps étranger qui souffre, sans relationner autrement que par le regard, sans se salir, se mouiller, se mêler.
Au montage comme au tournage, la création de la gagne des gueux est devenue le prétexte à la rencontre, à l'amitié et au déploiement d'une parole et d'une pensée autour du traitement social de la misère. La qualité des entretiens, l'intelligence, la délicatesse et la sincérité de ceux qui sont devenus mes amis... c'est ce que je veux mettre à jour, comme une matière à forcer le respect de nos contemporain.e.s.
Ce film, c'est pour moi une manière d'honorer la beauté et la profondeur de ce qui fut vécu, de le prolonger, de continuer de fédérer ce petit monde autour de la diffusion. Et c'est une manière aussi de rendre hommage aux disparus, à ceux dont les obsèques se passent dans un silence honteux, aux portes du carré des indigents.
A une époque où il devient de plus en plus évident qu'on ne traite pas les vies humaines au même niveau de pleurabilité et que cette inégalité a des conséquences politiques et existentielles majeures (cf.Judith Butler), j'espère que la Gagne des Gueux participera d'une réhumanisation de la figure des pauvres et du clochard. En vous laissant sur une citation de Patric Declerck qui aide à penser l'exclusion instituée : "La rue est un crime ignoble commis à chaque heure du jour et de la nuit contre les faibles et les innocents.(...) Un crime commis dans l'indifférence générale. Un crime sacrificiel et barbare répété pour l'édification de tous. Honte à nous! Honte à la France! Honte à cette grande nation qui sut, jadis, pour une certaine idée de l'homme, soulever le monde. Il faut que cela cesse. Il faut appeler le crime par son nom. Il faut, par la loi, rendre illégale la mise à la rue. Asile! Asile, au nom des hommes." (In Le sang nouveau est arrivé, l'horreur SDF, 2007).
Aux oublié.e.s. Aux naufragé.e.s.
Amélia Bréchet.