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Pour 2015...

S'il ne s'agissait que de vouloir.

 

Amis, connaissances, maîtres, ce mot pour nous souhaiter de vouloir déconstruire la bêtise, la peur et la haine... vouloir être ensemble... vouloir se comprendre... et s'y employer avec force et tendresse.
Un mot aussi pour partager un texte que j'ai écrit quelques jours avant les événements meurtriers du Nigeria, de Paris... sur le sens que je donnais à ma pratique du théâtre. Parce qu'il est urgent qu'on se le dise, qu'on témoigne, qu'on discute et qu'on boive à la santé du coeur.

 

Témoignage // la part de l'art pour se sentir frères

N.P., un auteur et metteur en scène Albanais du Kosovo, réfugié de guerre dans les années 90 en France, m'a embauchée en 2008 sur son adaptation de Crime et Châtiment. Au fil des années, N. est devenu un deuxième père, il est celui qui m'a fait intégrer physiquement ses valeurs de créateurs. Il m'a toujours dit quelque chose comme: « Tu sais, si mon cousin a pu me tirer six balles dans le ventre ; si des femmes ont pu être violées, des corps d'enfants trucidés... c'est parce qu'on manquait de culture ». Je me suis souvent insurgée contre cette affirmation. Je me rappelais les sophistications artistiques de l'Allemagne nazie mais j'ai fini par comprendre ce qu'il essayait de me dire. 

La culture qui manquait aux gens c'était la possibilité de se réunir de manière symbolique et poétique dans un même souffle, une même émotion, un même désir, de mêmes contradictions. Communier dans les pleurs, dans le rire, dans la joie ou la douleur face à un film, un spectacle, un concert, une image. Ce que disait N.P., c'est que son peuple ne pouvait plus se ressentir en tant que tel : l'autre restait séparé, étranger, sans rapport à soi. 

 

C'était la part de l'art qui lui manquait. La part de l'art qui rend la vie plus importante que l'art.

Celle qui rend reconnaissable en chacun la part d'amour, de colère, de douleur, de déchirure. Celle qui rend évident ce qui nous réunit : ce fond d'humains qui vibre, qui ressent, qui pleure et qui va mourir.

C'est grâce à N.P, réfugié de guerre, percé au ventre par six balles fratricides, pourtant créateur du premier festival serbo-albanais en Seine-Saint-Denis après-guerre...c'est grâce à N. que jamais je ne m'autoriserai à créer sans me sentir responsable d'une part d'humanité. Il m'a toujours dit :« Si tu crées, c'est que ça doit être primordial pour toi. Ce dont tu veux parler, il faut que ce soit vital. » C'est gravé et c'est mon guide. C'est à la fois ce qui me donne la force et ce qui me coupe parfois des autres. C'est aussi ce qui fait que le jour où je ne sentirai plus de nécessité créatrice, je ferai autre chose. L'endroit de l'art est trop important pour n'en faire qu'un gagne-pain agréable.

Pour qu'il participe à écrire une histoire d'hommes.

 

Amélia Bréchet

 

 

Merci à tous ceux qui nous ont soutenu et nous soutiennent. Messaoud et moi sommes toujours gourmands de dates chez des particuliers. N'hésitez pas à manifester votre envie d'accueillir Y'en a qui se prennent pour des Grille-Pains chez vous, n'hésitez pas à en parler autour de vous. On a besoin d'exister. Merci.

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